Le show politique d’Adriano Celentano secoue la télé italienne.
“Pour un soir, l’Italie a semblé un pays libre” commentait un journaliste
ROME – Contestée à droite pour ses attaques contre Silvio Berlusconi, louée à gauche pour sa liberté de ton, une nouvelle émission animée par la vedette Adriano Celentano et mêlant variété et satire secoue la télévision publique italienne, à moins de six mois des élections législatives.
«Pour un soir, l’Italie a semblé un pays libre, grâce à Celentano». C’est par ce commentaire qu’un éditorialiste du quotidien La Repubblica, proche de l’opposition, a accueilli le Rockpolitik du monstre de la chanson italienne.
Un avis que ne partage pas Silvio Berlusconi. Le chef du gouvernement a fait savoir dimanche que le programme n’était «que le dernier épisode d’un système de communication (…) qui a toujours attaqué depuis 2001 l’action du gouvernement et le président du Conseil».
Suivie jeudi soir sur RaiUno par 11,6 millions de téléspectateurs, avec des pointes à plus de 14 millions (près de 50% de parts de marché), l’émission a largement devancé les chaînes privées du groupe Mediaset, propriété du chef du gouvernement.
Très attendu, le programme était également craint, à tel point que le directeur de RaiUno et ex-député du parti Forza Italia de M. Berlusconi, Fabrizio Del Noce, s’était «autosuspendu» de ses fonctions… pour la durée de l’émission. Ces dernières années, la Rai a souvent été décriée pour sa frilosité envers la majorité de centre-droit, mais cette fois-ci, Adriano Celentano, connu pour ses provocations, avait obtenu carte blanche. Une liberté dont il ne s’est pas privé pour attaquer le «Cavaliere».
Clou de la soirée, le retour sur la Rai du célèbre journaliste Michele Santoro, exclu de la télévision publique en 2002 après avoir été durement critiqué par le chef du gouvernement. Santoro, devenu eurodéputé dans l’opposition, avait démissionné du Parlement européen à la veille de ce Rockpolitik, se préparant déjà un nouvel avenir sur le petit écran. Ce choix lui a été reproché comme un manque de respect pour ses électeurs.
Mais Celentano a surtout pris un malin plaisir à rediffuser une conférence de presse de Silvio Berlusconi restée célèbre: le 18 avril 2002, depuis Sofia, le chef du gouvernement italien avait demandé la tête des journalistes Enzo Biagi et Michele Santoro et de l’humoriste Daniele Luttazzi, les accusant d’«avoir fait un usage criminel de la télévision publique».
Beaucoup avaient qualifié l’épisode d’”édit bulgare” ou de «diktat de Sofia». A la rentrée suivante, les trois personnalités visées avaient disparu des grilles de programmes. Celentano a également raillé les démêlés de Silvio Berlusconi avec la justice, en se faisant remettre une carte d’adhérent à Forza Italia, «soit 20% de réduction de peine dans tous les tribunaux italiens».
A moins de six mois de l’affrontement entre le chef du gouvernement italien et son adversaire Romano Prodi, l’émission a eu l’effet d’une petite bombe. D’autant qu’elle apparaît peu après la sortie au cinéma de Viva Zapatero, documentaire en forme de pamphlet antiberlusconien signé Sabina Guzzanti. Le film de cette autre humoriste chassée de la Rai avait été ovationné lors de sa projection à la dernière Mostra de Venise.
Outre M. Berlusconi, plusieurs responsables de droite ont crié au scandale politique et exigé la démission du directeur général de la Rai Alfredo Meocci, ou une émission de «réparation» en faveur de la majorité gouvernementale.
L’opposition a accueilli le spectacle avec plus de chaleur. Romano Prodi, en position de force après son triomphe aux primaires populaires du centre-gauche (74,1%, plus de 4 millions d’électeurs) a parlé d’un «beau spectacle de liberté».
Désormais, des millions d’Italiens ont hâte de découvrir la deuxième édition du Rockpolitik, fixée à jeudi prochain.
23/10/2005 – DHnet (Francia)