Adriano Celentano, grand seigneur à San Remo
Rome Correspondance – La 62e édition du Festival de la chanson de San Remo (du 14 au 18 février), véritable institution culturelle italienne, sera sociale ou ne sera pas. La crise de la dette et la rigueur prônée par le gouvernement de Mario Monti font souffler le vent de la solidarité et des sacrifices pour tous jusque sur la côte ligure ou cinq soirs durant s’affronteront les vedettes et les espoirs de la chanson italienne.
Adriano Celentano, monument de la scène italienne depuis près d’un demi-siècle, lui, ne chantera pas, mais il a déjà donné le ton à l’édition 2012. Pressenti pour présenter un monologue d’une vingtaine de minutes sur le plateau du Théâtre Ariston, Il Molleggiato (“l’homme monté sur ressort” – comme on le surnomme ici) a finalement décidé de faire don de son cachet à une association caritative (Emergency) et à des familles dans le besoin.
Comme chaque année, le festival qui assure à la RAI, la chaîne de télévision publique, ses plus fortes audiences avait créé la polémique sans laquelle San Remo ne serait pas San Remo. En cause cette fois, la somme perçue par Adriano Celentano : 350 000 euros pour une soirée, 700 000 pour deux, 750 000 pour trois et plus. “Indécent !”, ont jugé les belles âmes.
Recettes record
Durant une semaine, l’Italie s’est divisée entre les “pro” et les “anti” : les premiers jugeant qu’il méritait son salaire ne serait-ce qu’en raison des recettes publicitaires record de la RAI pendant le festival ; les seconds condamnant son appât du gain alors que toute l’Italie se serre la ceinture.
Celentano a mis fin au débat, s’offrant une de ces métamorphoses qui ont jalonné sa carrière et construit son mythe. Rocker, romantique, mystique, écologiste, prédicateur, il réapparaît cette fois en moderne Saint-Martin offrant bien plus que la moitié de son manteau. Dans le cas où il ne ferait qu’une apparition, il donnera 100 000 euros à Emergency et 250 000 à treize familles “vraiment pauvres” de la Péninsule. S’il devait encaisser le maximum, l’association aura droit a 200 000 euros et le nombre de foyers touchés par la générosité de Il Mito (un autre de ses surnoms) passerait à vingt-sept. Les maires de sept villes de droite comme de gauche (Vérone, Milan, Florence, Rome, Naples Bari et Cagliari) ont déjà été contactés afin de sélectionner les familles indigentes.
Mise en scène de la générosité ? Peut être… En 2011, objet de la même polémique, Roberto Benigni avait fait de même avec plus de discrétion. Celentano, qui vient de sortir un nouvel album (Facciamo finta che sia vero), ajoute une pierre à son monument. Pour le festival, qui a baptisé une de ses soirées consacrées aux jeunes talents social day, c’est une manière d’épouser l’air du temps. Sa légende en sortira grandie, elle aussi. Car si Adriano Celentano a décidé de faire don de son cachet, il devra toutefois payer à l’Etat italien les taxes s’y rapportant. Il deviendra ainsi le premier chanteur à payer pour monter sur la scène de l’Ariston. Trop fort !
13/02/2012 – Le Monde (Francia)