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Celentano tempête sur la Rai

Rome – Etes-vous rock ou lent? Depuis trois semaines, l’Italie se divise en deux groupes parfaitement distincts. Les uns sont à la page. Les autres naviguent entre le has been et le mauvais goût. Depuis que dans son émission de télévision Rockpolitik, le très populaire chanteur Adriano Celentano a tracé cette ligne de partage, entre bien et mal, («le costume cravate est lent, le jeans est rock, le pape est rock, les gays sont rock, le mariage homosexuel est lent, Zapatero lentissime»), la péninsule du spectacle, du sport et même de la politique se déchire.

En tout cas, pour les partisans de Silvio Berlusconi, Adriano Celentano n’est absolument pas rock et vraiment trop lent. Car non seulement son show de trois heures mêlant variété et satire, bat des records d’audience sur la Rai, avec des pointes à 50%, et taille des croupières à Mediaset (le groupe de chaînes privées de Silvio Berlusconi) mais il tire à boulets rouges sur le gouvernement.

Rockpolitik est devenu, en l’espace de trois émissions – la quatrième et dernière sera diffusée ce soir – un événement politico-médiatique majeur. Les comiques recrutés par le chanteur ont bien tiré ici ou là quelques flèches contre les dirigeants de l’opposition de gauche. Mais c’est surtout en direction de Silvio Berlusconi qu’Adriano Celentano a braqué son projecteur. Stigmatisant la censure à la télévision, il a bousculé la Rai et contesté la mainmise du Cavaliere sur le paysage audiovisuel italien.

Il fallait sans doute l’énorme popularité du chanteur ainsi qu’une majorité politique de droite affaiblie et en fin de mandat pour revoir souffler un vent de nouveauté et d’impertinence sur les petits écrans italiens. Parfois poussif, populiste et manquant de rythme malgré une pléiade de vedettes invitées (Eros Ramazotti, Gérard Depardieu, etc.), Rockpolitik est néanmoins apparu comme un grand coup d’air frais dans un système sclérosé et largement contrôlé depuis 2001 par Forza Italia et les proches du président du Conseil.

A l’approche des élections législatives d’avril prochain où l’opposition de gauche est donnée vainqueur, la télévision publique donnait déjà depuis quelques mois des signes de réveil et d’autonomie. Mais Rockpolitik a ouvert en grand les vannes de la satire et de la critique du pouvoir suscitant l’ire des lieutenants de Silvio Berlusconi pour lesquels il s’agit d’un «lynchage» du chef du gouvernement et d’une «honte». Au cours de la première émission, Adriano Celentano a notamment invité le célèbre journaliste Michele Santoro, épuré de la Rai après le retour de Silvio Berlusconi au pouvoir.

Le chanteur a rediffusé la conférence de presse du président du Conseil qui, de Sofia où il se trouvait en voyage officiel, avait accusé, en avril 2002, Michele Santoro, le très respecté journaliste Enzo Biagi et l’humoriste Daniele Luttazzi «d’avoir fait un usage criminel de la télévision». Pour couronner le tout, Celentano s’est fait remettre une carte d’adhérent de Forza Italia offrant «20% de réduction de peine dans tous les tribunaux italiens».

Une semaine plus tard, c’était au tour de Roberto Benigni d’être invité dans le show. Déchaîné, l’auteur de La Vie est belle a longuement raillé le Cavaliere. «Silvio, viens avec nous faire le comique. Ici, tu peux faire tout ce que tu veux; faire les cornes, mettre un bandana sur la tête», s’est amusé Benigni qui a fait mine pendant une dizaine de minutes de chercher sans succès une seule décision positive pour les Italiens prise par Silvio Berlusconi. Pour le dernier acte, Adriano Celentano a préparé un programme particulièrement rock. Outre l’humoriste censurée par Forza Italia, Sabina Guzzanti, le chanteur a invité Veronica Lario, l’épouse de Silvio Berlusconi…

10/11/2005 – Le Temps (Francia)

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