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RockPolitik

«Pour un soir, l’Italie à semblé un pays libre… grâce à Celentano» c’est ainsi que La Repubblica commentait l’émission du chanteur de «Svalutation»…

Le chanteur Adriano Celentano est une véritable idole en Italie ! Si sa célébrité n’a que dépassé modérément les frontières transalpines, on lui doit quand même deux tubes qui ont marqué les esprits européens ; la reprise du classique Deus et l’extraordinaire Svalutation dans lequel il ricane de la crise des années 80 en Italie et la dévaluation de la lire… Aujourd’hui, s’il apparaît encore dans beaucoup d’émissions de variétés de la télévision italienne, il s’est également lancé, à son tour, dans l’animation. Son concept : un show qui allie la musique à la raillerie politique ! C’est la RAI Uno qui a intégré l’émission de Celentano, intitulée Rockpolitik, dans sa grille… pour le plus grand bonheur des scruteurs d’audimat de la chaîne.

Celentano n’a plus rien à prouver à personne en Italie alors il se permet une liberté de ton que peu d’autres animateurs du paysage audiovisuel transalpin osent. Si cela plait, tant mieux, sinon tant pis… Le moins qu’il se puisse être écrit est que l’opinion est plutôt divisée ; divisée certes mais bien répartie. En clair, à droite on crie haro tandis qu’à gauche on hurle bravo ! Côté téléspectateur, le succès est au rendez-vous puisque ce sont 11,6 millions d’italiens qui ont regardé la première livrée de Rockpolitik, le jeudi 20 octobre dernier…

Berlusconi en point de mire…

Le gouvernement et la classe politique de droite ânonnent donc clairement leur mécontentement face à ce programme libertaire. Mais qu’est-ce qui motive donc cette levée de boucliers droitistes ? Tout aussi clairement, Celentano a pris le chef du gouvernement italien en grippe et ne se gène pas pour rappeler à l’Italie entière combien Silvio Berlusconi est un triste sire… Ainsi, le maître de cérémonie de Rockpolitik avait convié, pour le vernissage de son show, Michele Santoro, un journaliste qui avait été contraint de démissionner de la télévision publique italienne après avoir attaqué clairement la politique berlusconienne ; Celentano a également rediffusé un large passage d’une conférence de presse faite depuis Sofia, en Bulgarie, et durant laquelle Il Cavaliere Berlusconi exige le licenciement des journalistes Enzo Biagi et Michele Santoro ainsi que la tête de l’humoriste Daniele Luttazzi pour avoir : «fait un usage criminel de la télévision publique»… Ainsi donc pour Berlusconard critiquer publiquement sa politique relève du crime ; Amis de la liberté de la presse et la liberté d’expression bonjour ! A l’époque, en avril 2002, beaucoup de monde s’était indigné contre ce qui avait été appelé l’Edit Bulgare de Berlusconi ou Le Diktat de Sofia mais toujours est-il qu’à la rentrée de septembre, les trois trublions avaient été rayer des programmes de la Rai…

Adriano Celentano avait encore ajouté sa touche personnelle en ironisant sur les démêlés de Berlusconi avec la justice. Ainsi, il proposait une promotion sur la carte d’adhésion au parti du chef de l’état italien : «20% de réduction de peine dans tous les tribunaux italiens en cas d’adhésion rapide !».

Evidement, la droite italienne hurle au scandale ! Quant à Silvio Berlusconi, il n’a semblé apprécié que modérément le show… Il s’agit selon Il Cavaliere du «dernier épisode d’un système de communication (…) qui a toujours attaqué depuis 2001 l’action du gouvernement et le président du Conseil»

Et Benigni d’en rajouter une couche…

A gauche par contre, on salue une liberté de ton et d’expression retrouvée ! Dans la presse écrite aussi on applaudit la nouvelle émission de la RAI. «Pour un soir, l’Italie à semblé un pays libre… grâce à Celentano», c’est par ces mots que débutait l’éditorial du quotidien La Repubblica du vendredi 21 octobre, au lendemain de l’émission.

Mais Adriano Celentano ne s’est pas arrêté à cette première escarmouche, celle-ci prend encore davantage de poids si elle est suivi par une seconde attaque. Aussi, le jeudi suivant, pour le deuxième rendez-vous de Rockpolitik, Celentano avait invité le célèbre comédien Roberto Benigni dont on sait qu’il est un farouche opposant à la méthode de Berlusconi ! Et le réalisateur de La vita e bella de se lâcher à son tour contre le chef du gouvernement italien.
Dès son arrivée sur la scène de Rockpolitik Roberto Benigni a exhorté le leader de Forza Italia à se joindre à eux : «Silvio, viens avec nous faire le comique… Si tu viens ici, tu peux faire tout ce que tu veux ; faire les cornes, mettre le bandana…». Pendant 40 minutes, Benigni a tiré à boulets rouge sur Berlusconi et pendant tout le temps de sa prestation, les cameras de la RAI montraient le public rire à gorge déployée…

A moins de six mois des élections législatives, les pontes du parti de Berlusconi s’inquiètent de ce qu’ils appellent un «Lynchage médiatique prémédité contre le chef du gouvernement». Du côté de la direction de la RAI, on se frotte les mains ; après les 11,6 millions de la première, la seconde émission a attiré jusqu’à 15 millions de téléspectateurs «Benigni a été exceptionnel. Il nous a offert une page de grande télévision, de vraie satire, et les taux d’écoute sont excellents» s’est réjoui Fabrizio Del Noce, Directeur de la télévision publique et ancien Député… du parti de Berlusconi !

Celentano et sa bande de joyeux drilles à la parole facile ont réveillé la télévision italienne de la léthargie dans laquelle elle s’était plongée depuis l’accession de Silvio Berlusconi au pouvoir. Des effluves de liberté ont envahi les ondes de la RAI et cela faisait longtemps, semble-t-il, que cela n’avait plus été le cas…

Olivier Moch

14/11/2005 – Acta Diurna (Francia)

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